Féminisme et pop culture

We should all be feminists

« Nous devrions tous et toutes être féministes »,  Chimamanda Ngozi Adichie (2012)

Partant du principe qu’il y a plusieurs féminismes, c’est-à-dire plusieurs manières de concevoir, en théorie comme en pratique, la défense des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes, La Tribune de Genève a mis en ligne un test de 25 questions, intitulé « Quel(le) féministe êtes-vous? ».

D’après ce test, j’incarne un « féminisme pop ».

C’est quoi, le « féminisme pop »?

C’est un féminisme du quotidien, positif, bienveillant, décomplexé et compatible avec sexualité et sexualisation, qui se veut accessible et populaire. Mais le féminisme pop, c’est aussi un féminisme véhiculé par la pop culture (c’est-à-dire qui se veut accessible à tou-t-e-s): par le biais des livres, des séries, de la musique, des spectacles, ou par des sites comme MadMoiZelle.

Vous trouvez que la lutte pour l’égalité avance dans la société, et que ça se ressent dans le paysage médiatique et culturel. Vous préférez affirmer vos convictions par une autre voie que le militantisme agressif. Vous prônez un féminisme décomplexé, quitte à utiliser l’humour, le cynisme ou l’irrévérence.

Vous estimez que la cause des femmes doit appartenir à toutes et à tous et qu’il n’est pas nécessaire d’avoir lu Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir pour se revendiquer féministe. Vous avez totalement assimilé la culture des gender studies (études du genre) chères aux Anglo-Saxons. Vous rejetez l’idée, poussiéreuse à vos yeux, d’un féminisme sacralisé. Vous estimez qu’il faut sortir le mouvement de la sphère militante, politique et intellectuelle pour le faire entrer de plain-pied dans le quotidien des femmes.

Vous trouvez que féminisme et société de consommation ne font pas forcément mauvais ménage. Pour vous, le féminisme doit devenir mainstream, populaire, s’il veut s’imposer dans les esprits. Peu importe si c’est dans une forme jugée édulcorée: l’essentiel est d’occuper le terrain, de convaincre.

Vous n’aimez pas que la société dicte aux femmes leur apparence, leur contraception ou leur sexualité. Vous avez une sympathie pour le mouvement Body-Positiv qui cherche à revaloriser le corps féminin avec l’idée que toutes les morphologies sont belles. Vous avez quelques réticences à utiliser la pilule, jugée mauvaise pour le corps car trop chimique.

Votre militantisme passe aussi par le «like» ou le partage d’un slogan féministe sur Facebook ou Instagram. Vous estimez que le féminisme de demain sera plus connecté que jamais.

Il vous semble légitime de vous approprier certains codes du féminisme et de les mixer avec le monde moderne, la mode et les réseaux sociaux. Selon vous, on peut être une femme sexy et sexualisée, exprimer ses désirs de façon claire sans pour autant renoncer à ses prérogatives et à l’égalité.

Pour vous le féminisme est unisexe et concerne aussi bien les hommes que les femmes. «Girl power»* et «empowerment»** sont des mots anglophones qui vous parlent. Vous trouvez que les femmes en règle générale et les féministes en particulier devraient être plus bienveillantes les unes envers les autres. Vous revendiquez une forme de sororité.

* pouvoir des filles ** empouvoirement

Les tests et leur tendance à compartimenter, ce qui est souvent synonyme de simplification, me laissent généralement assez sceptique. Pourtant, je me suis tout à fait retrouvée dans cette définition, même si ma conception du féminisme pioche dans d’autres courants. Par exemple, comme les féministes dites « universalistes », telle Elisabeth Badinter, je milite pour l’abolition de la prostitution (déformation professionnelle oblige: j’ai vu trop de femmes exploitées par des réseaux de traite des être humains, et/ou plongées dans la prostitution à la suite de parcours de vie terriblement destructeurs pour l’estime de soi).

Plus d’informations sur le féminisme pop ici.

Des portraits de « féministes pop »

La définition de féminisme pop fournie par La Tribune de Genève s’illustre de personnalités féministes susceptibles de représenter ce courant: l’écrivaine Chimamanda Ngozi Adichie, la réalisatrice et actrice Lena Dunham, l’actrice Emma Watson, la chanteuse Beyoncé et les humoristes Marina Rollman et Bérengère Krief. Que des femmes formidables que j’adore, en somme.

Chimamanda Ngozi Adichie est une écrivaine nigériane dont le discours « We should all be feminists », prononcé en 2012 lors d’une conférence TEDxTalk, a eu un grand retentissement à travers le monde. Il a ensuite été publié sous forme d’essai en 2014 (2015 pour la traduction française). Auteure de trois romans, d’un recueil de nouvelles et de plusieurs essais, Chimamanda Ngozi Adichie s’intéresse au croisement entre différentes formes de domination, et je trouve que son oeuvre s’intègre pleinement dans les réflexions intersectionnalistes. L’intersectionnalité renvoie à une démarche sociologique  qui vise à étudier les intersections entre les différentes formes de domination et de discrimination (de sexe, de race, de classe, de sexualité). Par exemple, une femme noire et lesbienne sera potentiellement confrontée à trois formes de discrimination, qui ne peuvent vraisemblablement être étudiées séparément si l’on veut saisir le phénomène discriminatoire dans son ensemble. Dans Chère Ijeawele (2017), Chimamanda Ngozi Adichie propose en quinze points une éducation féministe qu’elle appelle à donner dès le plus jeune âge. Et je ne pourrais être plus d’accord avec elle!!

Des extraits du discours de Chimamanda Ngozi Adichie « We should all be feminists » sont repris par Beyoncé dans sa chanson Flawless

On apprend aux filles à rester sages
A se faire discrètes
On leur répète
« Tu peux avoir de l’ambition
Mais pas trop
Vous devez avoir un but dans la vie à atteindre
Sans trop y réussir
Sinon tu es une menace pour le genre masculin »
Parce que je suis une femme
On attend de moi que je me marie
On attend de moi que je fasse des choix
Tout en ayant bien à l’esprit
Que le mariage soit la chose la plus importante
Que le mariage procure bonheur et amour
Ainsi qu’un soutien réciproque
Mais on ne dit pas ça à un homme?
On élève nos filles à être meilleures que les autres
Pas dans le travail ou la réussite
Ce qui pourtant, à mon avis, serait une bonne chose
Mais à paraître parfaite aux yeux des hommes
On apprend à nos filles qu’elles n’ont pas à avoir de désirs sexuels
Comme les hommes en éprouvent
Féministe: une personne qui croit à l’égalité
Sociale, politique et économique entre les sexes différents

La réalisatrice et actrice Lena Dunham est principalement connue pour sa série Girls. Elle est également l’auteure d’un guide de survie autobiographique pour les femmes, Not that kind of girl (2016). Elle affiche son rapport décomplexé à la nudité sur les réseaux sociaux, et incarne le mouvement body-positive qui invite à accepter son corps tel qu’il est, avec ses formes et ses prétendues imperfections.

Je ne taris plus d’éloges sur Emma Watson. Ambassadrice de bonne volonté pour ONU Femmes depuis 2014, elle prône un engagement féministe de la part des femmes et des hommes. On se souvient de son discours particulièrement inspirant en septembre 2014 pour le lancement de la campagne HeForShe (n’oubliez pas d’activer les sous-titres):

Je l’aime d’autant plus (je ne savais pas que c’était possible) depuis qu’elle a commencé à cacher des livres dans le métro londonien, puis des copies de La Servante Ecarlate de Margaret Atwood à Paris, dans le cadre de l’opération « Books on the Underground » (« Des livres dans le métro »). Elle a d’ailleurs lancé le 8 janvier 2016 son club de lecture féministe, Our Shared Shelf, hébergé sur la plate-forme Goodreads, afin de partager son amour des livres.

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« Comment peux-tu lire ceci? Il n’y a pas d’images! »

Enfin, j’admire l’aplomb et le talent d’humoristes comme Marina Rollman (que j’ai découverte lors d’un Topito Comedy Club) ou Bérangère Krieff qui maîtrisent le stand up comme personne et proposent des one-woman shows de grande qualité ! A travers leurs spectacles résolument féministes, elles parviennent à subjuguer des salles entières tout en abordant des sujets parfois difficiles ou controversés qui exigent une certaine mise en vulnérabilité de soi. Elles osent prendre ce risque de mise en vulnérabilité, et le pari est réussi.

Voir l'interview de Marina Rollman pour Rue 89, à propos de son 
dernier spectacle, "Spectacle drôle".

Je termine sur les conseils de Charlie (une merveilleuse jeune femme qui me fait mourir de rire à chaque nouvelle vidéo) pour assumer l’humour en tant que femme: